Francis Bacon chez Maillol

La semaine dernière, j'ai passé une excellente après-midi au musée Maillol où on peut voir en ce moment des tableaux de Francis Bacon.
J'y suis allé avec une "vieille connaissance" (pardon Fred !) et c'était bien agréable, car il a vu la rétrospective de ce peintre à Beaubourg et le connait bien car il apprécie son travail. Il a partagé ses connaissances avec moi, merci M'sieur !

Première salle en bas, premiers chocs. Des successions de portraits de papes aux visages déformés, coulant, comme retenus dans des cages aux contours bruts et tranchants. Tous les personnages (au moins dans cette expo) sont enfermés dans des espaces confinés, c'est récurrent.
C'est en voyant son pape qui pleure et en lisant son histoire que j'ai compris je pense ce que représentent ces cages... Mon dieu que cet homme a dû souffrir, comme il devait se sentir seul !
Voilà mon interprétation : j'imagine que la souffrance emplissant ses oeuvres est en rapport direct avec son homosexualité et la façon dont il la gérait par rapport aux autres...
Il avait (surtout à son époque, enfin j'imagine) eu du courage, un courage qui lui a permis de cheminer vers sa réalité... Une réalité brutale et irréversible, la sienne mais aussi celle du monde qui l'entourait. Francis Bacon était un homme sage (me semble-t-il), d'une objectivité rare, connecté avec des choses que peu d'humains sont capables de ressentir. C'était un vrai spectateur du monde. Il avait compris le mélange de simplicité extrème et de complexité qui caractérise le monde et les éléments qui le composent. Il avait trouvé un schéma cohérent où chaque règne avait sa place, chaque être avait une valeur et une fonction... Lui compris.
Ce pape qui pleure, c'est (pour moi encore une fois) un auto-portrait. Francis Bacon, homo mais croyant ? Prêcheur illuminé d'une vérité dérangeante, assis sur le trône richement décoré d'un temple sans adeptes condamné à la censure ? Le Pape, c'est selon moi le porteur d'un amour hors norme qu'il ne peut partager parce que c'est interdit, interdit par la religion, par les autres. C'est ça la cage, c'est la censure, c'est l'illégitimité de ses sentiments et de ceux avec qui il pourrait les partager. Et cet amour impossible à partager lui pèse sur le corps comme sur l'esprit. La déformation des corps exprime la douleur, celle qu'il ressentait à constater que trouver le bonheur à deux serait un suplice à assumer. Cette douleur part dans un cri de désespoir et d'amour ? C'est un pape qui apelle à la tolérance, au droit à la différence et à la sérénité. Ce tableau est un tableau de revendication ?

Quoi qu'il en soit, il me touche terriblement. Parce que si la situation n'avait pas de solution, Bacon a su ne pas s'enfermer dans la haine des autres. Il a peut être beaucoup souffert, mais c'est une souffrance comprise et assumée, et il a tout fait pour en sortir (voir le tryptique de la même salle où les corps des toiles de gauche et de droite tentent de sortir de leurs cages).
Décidement, c'était un homme courageux.
Et puis il y a aussi tous ces portraits avec je ne sais trop quoi de photographique, comme une image fantôme en arrière plan qui représenterai une autre dimension, et au premier étages des tableaux plus sereins mais toujours aussi poignants.



Merci Francis, grâce à toi j'apprécie encore plus la peinture !

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