Le chant des pygmées.

Pour comprendre mon intérêt pour la représentation du chant, du cri.

Je crois que ce qui m'avait marqué à l'époque, c'était un documentaire que j'avais vu sur la Cinq ou Arte (je ne sais plus très bien) sur les pygmées en 1999 je crois...
Il s'agissait d'un film en noir et blanc, très esthétique, présentant la vie d'un village baka... Ou aka peut-être ? Bref, leur quotidien m'avait médusé : ils semblaient tout faire en chantant... Lorsque les hommes partent à la chasse, ils chantent ; quand les femmes cuisinent, elles chantent et le soir autour du feu, qu'est-ce qu'on fait ? Et bien on chante... Et quels chants !

Les chants pygmées sont polyphoniques, accompagnés de peu ou pas d'instruments. Chacun sa phrase mélodique, qu'il ou qu'elle modifie de temps en temps, faisant évoluer la globalité du chant. Pendant mes cours d'ethnologie à Nanterre, j'avais travaillé sur les arts de ces populations. Et j'avais alors constaté les similitudes entre les arts pygmées et leur environnement :
Les chants des pygmées sont à l'image de la grande forêt équatoriale africaine : lorsqu'on l'écoute dans son ensemble on a un tout, mais dès qu'on y prête plus d'attention, on constate que cette unité est très complexe, composée d'une multitude d'éléments bien distincts. C'est comme la forêt : lorsqu'on s'y promène, on ne voit -au premier abord- qu'un gigantesque bloc végétal vert. Mais lorsqu'on s'arrête -et si on sait observer- alors, on découvre que ce gigantesque bloc est un gigantesque foisonnement d'insectes, batraciens, oiseaux, etc.

Quelques mois plus tard, j'ai commencé à dessiner des personnages, noirs sur fonds noirs ou monochromes. Assurément, ces personnages sont des pygmées. Je pense que je peux donner ces gribouillis comme le début de ce qu'est "mon travail".


Voici Nzenzenze : l'enfant chante ce petit exercice, une approche de la polyphonie pour les tout petits.

Nzenzenze, jeu d'enfants, pygmées aka, Centrafrique.

Ci-dessous la première de mes Hallalis : une femme pygmée. J'imagine que c'est l'une de celles qui poussent les hurlements lors de la cueillette des champignons... (oui, parce que les pygmées ont même des chansons exprès pour cueillir les champignons. D'ailleurs, je pense que si les amateurs de trompettes de la mort et autres girolles apprenaient ces chants et les poussait lors de leurs récoltes, ils ne seraient plus confondus avec des sangliers par des chasseurs bourrés)


Chanson pour la cueillette des champignons, pygmées baka, Cameroun

J'imagine que ces polyphonies ne toucheront pas tout le monde, je sais que c'est assez atypique, et surtout bien loin des critères de notre chère variétoche internationale... Mais essayez le temps de ces musiques d'imaginer une grande forêt embrumée résonnant de ces cris, avec de toutes petites silhouettes un peu partout dans le sous-bois. Moi, à chaque fois ça marche...

Je ne résiste pas à l'envie d'ajouter dans ce post d'autres musiques pygmées :
La première est ce qu'on appelle les "tambours d'eau", les rythmes sont tapés soit sur des tambours immergés, soit à même la surface des rivières ; puis aux rythmes s'ajoute le chant.

Tambours d'eau, pygmées baka, Cameroun.

Ensuite un chant de hutte, car lorsque les femmes font la cuisine, elles chantent. Ça donne envie de gouter aux plats, non ?

Chant de hutte, pygmées baka, Cameroun.

Et enfin, voici Nzombi, mélodie que les akas exécutent lorsqu'ils reviennent de la chasse et qu'elle a été bonne. C'est une alternance de notes à la voix avec un son soufflé dans un sifflet en tige de papayer.



Voilà pourquoi -entre autre- je dessine, peins et sculpte des Hallalis et des chanteuses.

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