En réfléchissant à ce que pouvait constituer une conversation pour moi, j’ai instantanément pensé au langage et à sa structure, son mode de fonctionnement.
La conversation dans le langage est un échange d’informations/idées par l’intermédiaire de signaux sensoriels entre au moins deux êtres vivants : un émetteur envoie à son interlocuteur (récepteur) des signes aux sens fixés par convention ; l’interlocuteur réceptionne le message, l’analyse, puis y répond par une deuxième émission de signaux. Alors, l’émetteur initial devient le récepteur tandis que le premier émetteur devient récepteur d’un deuxième message.
Si chacun des deux individus conversant passent inlassablement du statut d’émetteur à celui de récepteur, le message quant à lui obéit toujours au même schéma, pouvant tourner en boucle à l’infini. Et c’est à partir de ce schéma « émission/réception/analyse », que j’ai choisi de travailler le sujet… Ce qui me parait logique, puisqu’en ce moment dans mon travail, j’essaie de décortiquer des objets et les débarrasser du superficiel pour ne garder d’eux que l’essentiel de leur structure. J’appelle ces travaux picturaux des « peintures échographiques ».
La question suivante était de décider de la nature des objets qui allaient converser.
Après réflexion, j’ai décidé de travailler sur une peinture présentant les trois mots émission, réception, analyse qui définissent selon moi la structure du langage. Ces mots ont été représentés grâce à des empreintes de mains figurant les lettres de la Langue des Signes.
La toile Echographie du langage (ci-dessous) est le premier des deux objets participant à la conversation.

La Langue des Signes m’a séduit d’abord parce qu’elle est un langage visuel comme la peinture, ensuite parce qu’elle n’est que peu (ou pas) connue des entendants : pour comprendre ma toile, un spectateur entendant aura très certainement besoin de l’alphabet de la LDS.
En associant à la toile une représentation de cette alphabet, j’avais donc la possibilité de créer une conversation entre ces deux éléments (le spectateur étant obligé de passer de l’un à l’autre pour « lire » le tableau) tout en faisant intervenir le temps (nécessaire au décryptage et à la compréhension de mon message).
Si j’ai choisi la peinture et les empreintes pour les trois mots définissant le langage, c’est parce que je souhaitais quelque chose de vivant, de spontané : dans une conversation orale, les sons sont toujours identifiables (le O par exemple) mais ne sont pas prononcés toujours de la même manière (O fermé, ouvert, long ou court, accompagné du I forme le OI, etc. Ou encore, n’est pas prononcé de la même façon si on rit ou si on chante, etc.)… Les empreintes ont la même capacité de modularité : prenons par exemple toutes les lettres S, elles se ressemblent mais sont toutes différentes.
Par opposition (et pour que le deuxième objet -l’alphabet- ne soit pas de la même nature), j’ai choisi de représenter l’alphabet par des photos assemblées sur fond noir, de cette façon, il prenait aussi la dimension figée et stricte de tout ce qui est conventionnel (abécédaires et leurs formes parfaites, écriture dactylographiée, lois, etc.).
Pour faire ces photos, j’ai couvert mes mains de peinture blanche jusqu’aux poignets et ai pris une photographie de chacune des lettres. J’ai ensuite passé l’image en noir et blanc, baissé les lumières et augmenté les contrastes (sous photoshop) jusqu’à obtenir des images blanches sur fond noir.

Bla bla terminé... Alors il s'avère que cette toile est celle devant laquelle les gens ont passé le plus de temps durant l'exposition à l'Espace Inini cet été en Guyane. Malheureusement, à ma connaissance personne n'a réussi à la déchiffrer... Non seulement parce que sur l'alphabet en photo-peinture je n'ai pas mis les lettres à coté des signes les représentant, mais en plus (je l'ai appris récemment) l'alphabet utilisé n'est pas la LDS française apparemment !
Bref, il faudrait refaire ce travail... ?
1 De Marie -
La conversation est une alternance de paroles et de silences. Dans le langage des mains il doit en être de même sinon tout est brouillé. Bon, il ne me reste plus qu'à apprendre pour comprendre. J'ai bien aimé le discours dénommé bla-bla.
2 De Marie -
Je pensais que les signes correspondaient à une "phonétique" de syllables, pas à un alphabet