Quel exotisme pour quelle globalisation ?

Devoir scolaire sur un sujet vaste, mais captivant. Je suis allé dans tous les sens, y'a de la répétition à foison et quelques blagues (j'étais d'humeur joyeuse pendant la rédaction, allez savoir pourquoi...), mais (je crois) le principal y est...
Je dois bien avouer que je me suis d’abord trouvé fort dépourvu face à l’ampleur de ce sujet. L’exotisme est « ce qui n’appartient pas à nos civilisations d’Occident, est apporté de pays lointains ». Il peut donc venir de bien des lieux, bien des époques et a déjà été le vecteur de bouleversements radicaux dans l’Histoire et dans l’Art notamment : Quelles ont été les conséquences de la découverte des peuples d’Afrique, d’Amérique ou d’Asie par les européens sur les populations des différents continents ? Le cubisme n’a-t-il pas ses racines dans les statues d’Afrique Noire, l’impressionnisme dans les estampes japonaises que possédaient Manet ou Monet ? La Renaissance n’est-t-elle pas une résurrection de l’Antiquité ? Pour autant, l’exotisme se résume-t-il à des peintures ou sculptures venues d’ailleurs, à des influences artistiques ? Qu’en est-il des rites, légendes et coutumes des peuples de terres lointaines ? Quelle part de culture d’ailleurs l’exotisme insinue-t-il en Occident ? Quel est le rôle de l’Art dans cette insinuation ?

Si l’exotisme soulève une armée de questions concernant ce qui passe de l’extérieur vers l’Occident, la globalisation intègre en plus une réciproque : comment l’exotique évolue-t-il au contact de l’Occident ? Dans la question « quel exotisme pour quelle globalisation ? » je commence alors à voir toute une imbrication gigantesque de liens entre des indigènes et des exotiques, des allers-retours permanents des uns aux autres, ces interactions qui constituent le ciment même de la globalisation. Notre (vaste) sujet part de l’Occident et s’ouvre vers le monde entier : c’est une question d’expansion dans l’espace, mais je pense aussi dans le temps, car ces deux mots ne sonnent définitivement pas de la même époque.
Le terme Exotisme date de la moitié du XIX siècle. Je trouve qu’il véhicule une image stéréotypée de vahinés se déhanchant au son du yukulélé, le mythe du Bon Sauvage, mais aussi tout un pan de l’histoire européenne encore mal assumé. L’Exotisme implique un centre, un point de départ : il renvoie au passé explorateur et colonialiste d’une Europe ethnocentriste.
Le terme globalisation quant à lui est arrivé en 1964. C’est donc un mot bien plus récent. Il ne sous-entend plus de centre au monde mais pointe plutôt un ensemble actuel, voir même un idéal vers lequel tendre à l’avenir.
Alors la question « quel exotisme pour quelle globalisation ? » se pose aussi en terme de transition dans le temps : quelles évolutions dans les rapports interculturels pour quel village global ?
Afin d’éviter de trop m’éparpiller, je vais réfléchir le sujet à rebours : « quelle humanité pour demain ? » me mènera à choisir la globalisation envisageable, puis à définir les échanges interculturels (domaines et qualités) et un exotisme permettant potentiellement de l’atteindre.


Pour parler de l’avenir de l’Humanité, mieux vaut commencer par faire un constat de ce qu’elle est aujourd’hui, de façon à définir les grands enjeux actuels dans le mouvement de globalisation. C’est donc dans cette première partie que je vais restreindre l’espace de mon sujet et poser mes postulats.

Faire ce constat est un exercice que je trouve très dangereux : dans mon idée, personne ne dispose dans l’absolu ni du recul historique, ni de l’impartialité culturelle nécessaires : je ne suis pas historiciste, mais replacer des évènements dans une chronologie me semble une des actions nécessaires à la compréhension d’une évolution ; de l’autre coté, parler de l’humanité du point de vue de sa propre identité culturelle (est-ce possible autrement ?) peut mener à poser des généralités trop grossières mais maintes fois entendues dans des réflexions finalement stériles, car manquant de nuances.
Cette angoisse du non-pertinent m’incite à ne pas me lancer dans des domaines que je ne maitrise que très mal, comme par exemple la globalisation de l’économie de marché avec l’émergence de pays comme la Chine au développement exponentiel (et aux marchés alléchants) ou le Brésil, pionnier en matière d’énergies renouvelables. Je me lancerai plus volontiers dans le débat très actuel sur les concepts de développement durable où s’opposent capitalistes, écofascistes, altermondialistes et bien d’autres protagonistes qui se définissent par des termes aux suffixes en -istes (très à la mode ces temps-ci)...

Pour ma part, je vais essayer de rester le plus objectif possible et me baser sur ma courte (mais riche) expérience. De 2000 à 2003, j’ai travaillé comme chargé de mission pour l’association Kwata en Guyane. Cette association a la particularité de travailler comme un bureau d’étude et s’attache à proposer aux décideurs locaux des outils de gestion durable permettant d’intégrer les problématiques environnementales au développement économique du département français. Lors des différentes études que j’ai participé à mener, et grâce aux enseignements de Benoît de Thoisy (un des rares chercheurs français à ne pas étudier la forêt guyanaise comme s’il s’agissait d’une annexe du bois de Vincennes) j’ai pu embrasser dans une certaine mesure l’immensité du milieu naturel intact qu’est la grande forêt guyanaise, mais aussi la complexité des interactions entre la multitude d’éléments qui la constituent. Pour l’européen que je suis, élevé sur des terres modelées par des millénaires d’occupation, c’était là une double nouveauté : il existe encore des terres vierges où la nature est souveraine. Ces terres sont des espaces potentiellement exploitables par l’homme. Nous les européens (plus que les nord-américains qui ont encore de l’espace à disposition) ne sommes pas forcément conscients de cela, préoccupés depuis tant d’années par la surpopulation sur la planète ou la gestion des espaces (naturels ou non).
J’ai aussi pu constater les impacts des activités humaines (chasse et déforestation) sur ces zones vierges ouvertes à l’accès par de nouvelles pistes ou encore une partie des conséquences de la soif de l’or qui pousse une quantité phénoménale de clandestins des pays frontaliers (notamment le Brésil) à venir orpailler illégalement sur l’intérieur de la Guyane (un des derniers grands blocs de forêt tropicale humide). Là, j’ai observé un mode d’expansion humaine, de colonisation de territoire, appris que le profit financier n’était plus un modèle typiquement occidental, mais qu’il s’était bel et bien exporté aux quatre coins de la planète (ce qui d’ailleurs est tout à fait compréhensible)… J’ai aussi pu constater que de nombreux peuples avaient perdu leur conscience écologique lors de transitions culturelles souvent brutales.
Parallèlement, mes parents et moi avons tissé des liens forts avec une famille d’amérindiens wayanas. Avec eux j’ai découvert une vie en harmonie avec l’environnement (un modèle correspondant à celui de la gestion durable des ressources), que les hommes font partie de la nature (alors que les occidentaux ont tendance à s’en exclure) mais aussi un communautarisme -auquel j’opposerais plus tard l’individualisme rencontré dans nos régions- actuellement déchiqueté par l’arrivée brutale de la culture occidentale, au point que le nombre de suicide chez les jeunes atteint des proportions alarmantes (entre autre symptôme).

A mon retour de Guyane en 2003, j’ai redécouvert la métropole avec un regard nouveau, ahuri devant les dépenses en énergies, en eau, carburants, marchandises, etc. : la surconsommation m’est alors apparue comme un mode de vie. La semaine dernière, j’ai vu le même gâchis à New York où les appartements sont tellement chauffés que les fenêtres sont ouvertes alors qu’il ne fait que quelques degrés à l’extérieur (un exemple anecdotique, mais il faut aussi voir les climatiseurs à toutes les fenêtres, les bouffées de chaleur à l’entrée de chaque bâtiment, la quantité énormes de grosses voitures, etc.). Tout ceci me rappelle une récente information diffusée par le WWF dans son rapport Planète Vivante 2006: il « confirme que nous utilisons les ressources de la planète plus vite qu’elles ne peuvent se renouveler – les dernières données disponibles (pour 2003) indiquent que l’empreinte écologique de l’humanité, notre impact sur la planète, a plus que triplé depuis 1961. A présent, notre empreinte excède d’environ 25% la capacité du monde à se régénérer ». Le contenu du rapport est sans doute critiquable, à tors ou à raison, peu importe. Pour moi, il est surtout la preuve d’une certaine prise de conscience en Occident, tout comme l’apparition de l’impact écologique dans les arguments de vente publicitaires (Ariel, Peugeot, etc.).


Ainsi, et pour faire de grossières généralités à la limite de la caricature, aujourd’hui nous avons d’un coté des occidentaux qui initient une remise en question de leur schéma de développement hyperconsommateur des ressources ; et de l’autre des exotiques qui transitent de plus en plus vers ce schéma… Nous nous retrouvons donc avec une Humanité majoritairement en mode glouton. Si je devais souhaitez une globalisation, c’en serait une qui permette de sortir de cet état.
Par quels critères une telle évolution pourrait-elle se produire ? Je vous rassure de suite, n’ayant jamais accroché avec la science-fiction, je vais d’emblée écarter l’hypothèse d’une humanité extra-terrestre ! Je préfère pour l’instant développer une idée, celle que le problème soulevé ci-dessus a ses ancrages dans plusieurs phénomènes imbriqués les uns dans les autres, applicables à tous les gloutons, indigènes comme exotiques : le premier est dans le rapport à la nature, le deuxième dans le domaine de la spiritualité.

Le rapport à la nature ne se résume pas au simple environnement naturel, ou à la préservation des fleurs et des (jolis) petits papillons. Si je me permets de me lancer dans cette voie, c’est qu’il me semble y avoir là le symptôme de quelque chose de bien plus profond.
Qu’est-ce que la nature ? Comment la définir dans sa globalité ? Je vais maintenant poser une autre de mes idées : la nature c’est la vie, et la vie c’est le mouvement : de l’espace et du temps. C’est une définition très globale, mais du coup elle permet d’intégrer dans le terme le règne du vivant incluant l’humain, mais aussi celui du minéral (ces deux règnes formant la partie émergée de l’iceberg), ainsi que tous les évènements qui les transforment comme à notre échelle la mort, la reproduction, la maladie, le domaine de l’esprit (le grand tabou de la France actuelle), les changements climatiques les bouleversements géologiques, la croissance et la décroissance, la guerre, la faim, l’hiver ou la marée… J’arrête ici la liste en espérant qu’elle est suffisamment complète pour donner une bonne image de ce qu’elle représente pour moi.

C’est bien souvent de cette façon que les ruraux (quelques soient leurs terres – je n’ose plus les appeler exotiques) définissent la nature. Ce qui est d’ailleurs tout à fait logique, puisqu’ils côtoient sa partie « visible » (vivant et minéral) au quotidien : lorsqu’on est chasseur-cueilleur, on connait les cycles de vies et leurs interactions, ce qui du coup donne accès à toute la partie « invisible » (le reste de ma liste et bien d’autres choses). On peut voir fluctuer les populations de gibiers à cause d’un changement climatique « naturel » qui en modifiant par exemple la période de fructification des plantes bouleversera leurs réserves alimentaires (famine chez les chasseurs). Du coup, certains individus du clan vont devenir des sentinelles, surveillant et analysant les évènements naturels et leurs conséquences. Face au danger ou dans le besoin les rôles se distribuent, la communauté se structure, la solidarité émerge. Les gestes du quotidien sont eux aussi analysés, on mesure leur coût en énergie (toujours avoir des réserves en cas de coup dur) leur portée et leurs conséquences. Alors il y a une conscience de ses propres actes, de la nature des choses et de soi, ce qui ouvre la porte vers le spirituel (par là, j’entends le domaine de l’esprit : apparition, maturation, disparition, et interactions avec l’environnement), la structure sociale se rigidifie et les traditions s’établissent. La connexion entre l’individu et son extérieur est en marche.

Par contre, en général chez les urbains la nature est rejetée aux portes du milieu de vie. Ajoutons à cela que dans les grandes villes (à la mode occidentale, mais que l’on retrouve maintenant sur tous les continents) il y a de plus en plus un grand souci de sécurisation : personne ne doit mourir, être blessé, handicapé, avoir mal, faim ou soif (et j’en passe). Les mécaniques de nos grandes métropoles occidentales sont bien rodées dans le domaine et du coup pas de besoin, pas de danger… La solidarité n’est plus indispensable (l’Etat se charge de l’entraide), on part vers l’individualité, puis l’individualisme et le culte de la liberté (celle de recréer le besoin et le danger qui sont d’indispensables moteurs dans le développement d’une personne)… La structure sociale s’ébranle, les traditions s’effritent, les esprits s’empâtent, et la communauté se déstructure.
Les hommes gloutons me paraissent être des hommes-enfants : quelque part, leur esprit manque de maturation... Idée que j’ai pu affiner grâce à l’ethnologie.

Nos ethnologues contemporains, notamment les nord-américains soulèvent depuis quelques années ce problème de société occidental particulièrement perceptible à partir de ma génération, qui a une légère tendance à vouloir « jouir des prérogatives de l’enfant en n’en étant surtout plus un, tout en jouissant des prérogatives de l’adulte en n’en devenant surtout pas un »… L’origine de cette crise est identifiée par eux comme étant la disparition des rites de passages dans les sociétés occidentales, rites ayant pour fonction de rythmer la vie des hommes et des femmes, en les poussant à passer d’un statut social à un autre (de l’enfant à l’homme, ou encore de l’homme au mari, etc. jusqu’à la cérémonie de décès). Le problème réside en somme dans une anomalie au niveau de la maturation de l’esprit (hypothèse à laquelle j’adhère totalement), et sa résolution, avant même qu’on envisage l’établissement ou le rétablissement de je ne sais quelle(s) coutume(s) doit passer par son intégration dans la conscience collective (car si un seul individu tente une solution à l’échelle clanique, il sera -certainement à raison-qualifié de gourou). Ce qui pour l’instant est loin d’être le cas, notamment en France où l’approche ethnologique n’est pas encore passée du niveau théorique à celui de l’application (c’est fort dommage, surtout dans une société pluriethnique comme la notre). Le Canada par contre utilise depuis plusieurs décennies déjà l’approche ethnologique (là-bas ils disent anthropologique) et les résultats sont plutôt positifs.
Ce qui me semble intéressant dans cette approche, c’est la méthode d’analyse. Et c’est en lisant Arnold Van Gennep (Les rites de Passage) que j’ai trouvé la clef : il a étudié les cérémonies de nombreuses et diverses communautés et en a tiré un unique schéma, quelque chose d’universel. C’est à partir de cette universalité que les ethnologues contemporains ont pu diagnostiquer la source d’un mal.
Dans la globalisation que je souhaite, j’aimerai voir les rapports interculturels fonctionner de cette façon : que chacun face à l’exotisme parte de cas particuliers, en dégage une universalité pour s’en servir où qu’il aille ensuite et sans pour autant négliger les spécificités locales. Ramener une statue ou un conte d’ailleurs n’est constructif que si l’on pose entre les deux un pont qui fera liens : la statue dogon ou la légende wayana ne prendront leur ampleur qu’accompagnée de leurs cadres culturels.


Pour agir vers une globalisation somme toute très idéale (au moins peut-on essayer d’y tendre), il faut donc commencer par penser global. Et selon moi, le meilleur moyen d’y parvenir est d’en passer par les méthodes des sciences humaines, l’ethnologie bien sûr, mais aussi la sociologie par exemple ou toute autre matière envisagée à grande échelle plutôt qu’à un niveau local (grande tendance dans les disciplines de savoir que j’applaudis au passage), sans quoi l’exotisme risque de n’être que le terne reflet de l’indigène dans l’exotique. Tout ceci me mène maintenant à parler d’une certaine sorte d’exotisme, et pour l’aborder, je vais partir du débat actuel autour du out neuf Musée des Arts Premiers.
L’ouverture du Musée a fait couler beaucoup d’encre l’été dernier. Le débat portait (et porte encore, nous l’avons récemment abordé en cours) sur la présentation des pièces comme des œuvres d’arts, coupées de tout leur contexte socioculturel. Pour me placer le débat, je dirais que ce choix est fort regrettable. D’abord parce que la notion d’œuvre d’art n’est pas universelle, ensuite parce que du coup, les objets s’ils sont coupés de leurs contextes perdent toute leur valeur symbolique ou magique. Je vais pour développer ces points m’appuyer sur l’exemple de la collection d’Afrique Noire du Musée.
Prenons l’exemple de n’importe quelle parure de tête zoomorphe. Ces masques sont en général créés puis chargé de leurs pouvoirs pour des rituels particuliers, ils sont sortis uniquement à l’occasion de ces cérémonies qui reviennent à chaque nouveau calendrier, parfois plusieurs saisons d’affilé. Lorsque leur état d’usure est considéré comme trop avancé, ils sont alors destitués de leurs pouvoirs d’invocation et perdent toute leur valeur : elles sont jetées ou oubliées dans un coin. C’est souvent à ce moment que les objets sont récupérés par les occidentaux.

J’ai décrit là un schéma très généraliste, et invalide dans certains cas (toute généralité a ses exceptions), mais elle a tout de même le mérite de soulever la question du rapport entre un créateur et ses créations. L’Afrique Noire n’a traditionnellement pas une culture de Musée et ne partage pas la notion d’art avec l’Occident (ce qui est en train de changer, certaines anciennes colonies demandent actuellement que la France leur rende des pièces issues de leur culture). Les pièces de la collection africaine n’ont de valeur pour les peuples qui les utilisent que dans le cadre de leur utilisation.
Il me paraît alors très déplacé de présenter ces pièces comme des œuvres d’art. Pire encore, les couper de leur contexte revient en quelque sorte à exposer un tas d’ordures ! De plus, face à cette présentation, le public passe à coté de toutes les riches histoires, toutes les émotions, toute la dimension magique et spirituelle des pièces. C’est un exotisme dénaturé qui est exposé ici. Du coup je pense qu’il n’aura pas l’impact qu’il aurait pu avoir, et l’emballage esthétique dont il a fait l’objet ne contrebalancera pas ce cruel défaut.
Imaginons, un instant que les œuvres du Louvres soient déplacées à Ouagadougou pour une exposition temporaire… Je serais alors assez curieux d’entendre leur ressenti face à la production européenne, surtout si elles étaient exposées sans aucune explication (hypothèse impossible, les commissaires d’exposition colleraient des romans sous les tableaux pour être sûr que les œuvres prennent toute leur ampleur). Dans ce cas, leurs interprétations seraient basées sur leurs cultures et dénatureraient complètement les œuvres. Ce que je souhaite démontrer par cet exemple, c’est que si les pièces de la collection africaine du Musée du Quai Branly ne devraient pas être présentées comme des œuvres d’art à la mode européenne, elles n’en partagent pas moins avec les productions européennes plusieurs grandes généralités dont une qui me tient particulièrement à cœur. Je vais pour cette dernière étape m’appuyer une dernière fois sur des propos d’Arnold Van Gennep.
Selon lui, les rites de passage sont des catalyseurs dans les processus de maturation de l’esprit qui mène des individus vers une pleine conscience de leur environnement. C’est aussi un lieu d’accès à la spiritualité ou autrement dit à la nature comme je l’ai décrite plus haut, fonction qu’ils partagent avec l’art. Arnold Van Gennep présente donc l’art comme un lieu d’accès aux choses du spirituel. C’est une hypothèse que je partage avec lui, j’en ai récemment parlé sur mon blog d’artiste (j’ai choisi cette vocation et j’y travaille avec un maximum d’acharnement) dans un texte imagé que voici :

Il y a quelques temps, lorsque j'ai commencé à envisager de vivre de mon art (enfin il faut bien le dire ce n'est toujours pas gagné même si je commence à tourner en illustration) s'est posé pour moi la question suivante : à quoi sert l'art dans une société ?
C'est une question qui peut sembler futile, mais elle m'est venue pour la simple raison que je n'aime pas l'idée de ne servir à rien du tout...
Au cours de cette réflexion une image m'est venue :
Si l'humanité était une terre, les artistes en seraient les volcans.
La création serait une irruption, les œuvres d'art un magma qui en se répandant brulerait les vieux champs et redessinerait les paysages...
Des terres modifiées et fertilisées où la végétation pourrait de nouveau s'enraciner, sans doute la même mais autrement agencée.
... Parfois même de nouveaux ilots sortiraient de l'eau.
Bref, les productions artistiques seraient autant d'irruptions de la conscience collective... Et l'art le lieu initiateur de ses mutations.
C'est un idéal sans aucun doute. J'aimerai l'approcher.

Pour parler moins imagé, je pense que l’art est donc un lieu d’accès aux choses profondes de l’humain, mais aussi qu’il participe à son évolution. Un exemple d’exotisme qui m’a récemment marqué est l’exposition des travaux de Kiki Smith au Whitney Museum à New York. Ce n’est pas un exotisme des peuples premiers, mais il va cependant de soi (enfin au moins pour moi) qu’il existe aussi de grandes différences culturelles même au sein de l’Occident… L’exposition m’a marqué parce que j’y ai constaté une obsession du corps qui allait au-delà d’une dimension simplement matérielle et organique. Je crois y avoir vu un questionnement sur la condition humaine, l’individualisme à l’occidentale et quelque part, le reflet de la crise spirituelle citée plus haut. Alors, l’exotisme à intégrer peut-être aussi de regarder le monde à travers le regard des artistes sentinelles.


Pour conclure, je dirai donc que l’exotisme dont je rêve est un exotisme de légendes et d’histoires, de monstres sacrés matérialisés en créations humaines permettant d’entrer dans des conceptions complètement différente de la nature et de son fonctionnement ; une approche globale de ce qui est étranger pour établir des réalités les plus universelles possibles, ces réalités permettant ensuite d’aborder le monde globalement ou à l’échelle locale avec un maximum d’ouverture et un minimum de préjugés. A l’échelle locale, quand le seul accès à l’extérieur et aux autres mondes passe par la rencontre avec des objets issus de ces contrées, j’aimerai un exotisme entier, complet et non dénaturé…
A l’heure de la mondialisation, cela me parait indispensable et je pense que le modèle ethnologique est un outil qui pourrait permettre d’atteindre une certaine objectivité, voir (très idéalement) un état visionnaire. Pour le cas de la France, il ne reste qu’à attendre que les personnes sensibilisé à la discipline prennent de la bouteille… Et le pouvoir.
Ainsi le monde entier, le village global pourrait peut-être être animé de la solidarité que l’on peut trouver dans les petites communautés et fonctionner comme une unique entité, ce qui est en fait l’objectif de la globalisation… Un bel idéal, une utopie vers laquelle nous ne pourrons que tendre.
En ce qui concerne l’entraide et de la solidarité à l’échelle globale, je reste -ou du moins je crois rester- lucide quand aux motivations qui pourrait pousser l’humanité à un tel comportement (il n’y a guère que Miss France (et Miss Univers) pour souhaiter la paix dans le monde et la charité universelle). J’ai l’impression à l’écoute des informations nationales et internationales et au climat de tension qu’il y a une réelle appréhension (au moins chez nous les français) quant aux conséquences que pourraient avoir l’émergence de pays en pleine voie de développement, elle-même conséquence de la mondialisation (décentralisations, etc.).
Reste maintenant à savoir si l’Occident sera capable d’exporter sa vision des choses et partager son expérience dans le domaine de la croissance et de l’expansion.

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