Lorsque je travaillais en forêt, de tels animaux avaient l'habitude de me
faire part de leur présence par divers biais. Parfois même, nous nous sommes
rencontrés alors que les fauves ne l'avaient pas prévu.
A Counami par exemple, une femelle jaguar et son petit suivaient
quotidiennement nos traces, à mon patron et à moi. Or, un jour, j'ai dû faire
demi-tour plus tôt que prévu et rentrer en courant vers le carbet. En sautant
par dessus un chablis (endroit où un arbre est tombé à terre) j'ai fait
détaller la petite famille, surprise de me voir débouler là, à toute vitesse,
alors que j'étais censé marcher tranquillement 500 mètres plus haut !
Le lendemain, mon patron a vu les deux bêtes de près... La mère a emmené son
enfant vers lui comme pour lui apprendre : "Voilà ce qui nous a fait fuir hier.
N'ai pas peur de ceux de son espèce, mais méfie-t'en, toujours !".
C'est pour cette mésaventure - et quelques autres - que j'aimerai travailler
avec ce type de bêtes. Les félins ont une véritable curiosité envers nous
autres humains, et j'aimerai savoir jusqu'où cette caractéristique pourrait
nous mener en termes d'interactions, de communication. De plus, sur des zones
comme Counami, je ne cours aucun danger : la peur du fusil me protège.
Voilà pourquoi, équipé d'une masse, de clous, et de fil de coton blanc, j'ai
mis en place une aire de communication...
Ensuite, j'ai fait quelques petites choses avant de laisser une caméra à
l'affût, histoire de pouvoir capter tout passage. Malheureusement, mon appareil
n'a que peu d'autonomie, et le premier essai n'a pas été fructueux, dans le
sens où aucun animal n'est passé dans l'aire alors que la caméra
tournait.
Pour autant je suis sûr que depuis jeudi dernier, sinon dans les jours à venir,
celui ou celle qui y était attendu sera passé par l'aire : j'ai choisi Counami
après avoir consulté mon ancien patron. D'après une étude de trois ans
récemment achevée par son association (Kwata), cette forêt présente encore de
belles populations de félins.
En attendant de pouvoir revenir avec un matériel adapté, je vais m'occuper des
séquences tournées, sans doute en travaillant la bande son - en chantant comme
les oiseaux. Ce sera fait après mon retour en métropole, car d'ici-là, je dois
essayer de danser en T-shirt orange avec les coqs de roche !
Passage éclair dans la forêt de Counami : aire pour chanter la forêt
Nous n'avons pas vu beaucoup de grands animaux, le web et moi, alors que
nous nous promenions dans la forêt... Par contre, nous en avons beaucoup
entendu !
La forêt guyanaise est une symphonie perpétuelle, et ses habitants se
manifestent bien plus par le bruit (ou l'odeur !) que par un contact direct et
visuel.
J'ai pris le temps de passer à la première étape d'un projet qui me tient à
cœur : créer, à l'aide de fils et de clous, une aire de communication avec les
habitants du "gran boi".
L'espace ainsi mis en place est à destination des grands félins, qui ont
l'habitude de se servir des layons (petits chemins) pour traverser leurs
territoires, mais aussi de suivre les humains qui s'y promèneraient...
1 De Marie -
"la peur du fusil me protège" ... crois-tu ?
ferais-tu cette expérience dans un zoo ou un cirque ?
Je t'imagine en coq de roche ... ;-)
2 De Jules -
Marie : je ne crois pas, j'en suis certain, pour avoir été approché d'une manière bien différente par des félins, dans des zones chassés et des zones vierges...
Et la grande différence entre la forêt, les zoos et les cirques, c'est l'absence de barrières : même s'ils sont chassés, les animaux de Counami sont libre d'évoluer et d'agir...
Quant aux coqs de roche, le premier essai est pour cet aprèm... Des nouvelles bientôt !
3 De Marie -
Les félins ont peur des fusils c'est en cela que tu te sens protégé. Maintenant tu as tendu des fils partout à la lisière de leur espace, c'est pour qu'ils te passent un coup de fil dès ton retour ??? J'abuse, je sais. Tu sembles si heureux dans ta province, tu vas souffrir à Orléans ! :-(