Julien Salaud

S'il fallait choisir un mot pour qualifier Rituels j'opterai pour "résonance", car l'accrochage de Gaël créé une connivence particulière entre les pièces exposées, au point qu'au contact des autres chacune d'entre elles gagne tant en mystère qu'en puissance. Prenons la première salle par exemple : d'un côté les Fusils de Stéphane Vigny font écho aux Enchevellis ; de l'autre le son de Neil Beloufa donne une voix au armes tout en faisant vibrer et la feuille blanche, et les yeux de Markus Hansen. 





Ce cochon est l'un de mes deux chocs de l'exposition.
La technique est simple mais redoutable : Markus a formé une chimère en assemblant son regard au corps d'une taxidermie photographiée chez Deyrolle. Comme beaucoup des oeuvres que Gaël a choisies mais peut-être plus que les autres, cet imposant tirage colle à la définition que Steve Baker a fait de la Botched taxidermy dansThe postmodern animal. "Ni espèce, ni genre, ni individu", la botched taxidermie "est ouverte à la fois à une infinité d'interprétations et, incontestablement, au refus d'interprétation. Peut-être [les botched taxidermies] sont-elles des créatures avec lesquelles penser plutôt que des choses à penser. En étant si difficiles à fixer, elles échappent aux catégories et aux classifications de la pensée experte."
Les rites s'évaporant sans les légendes qui les fondent, quoi de mieux qu'un veau mort au regard humainement vivant pour retrouver le chemin de l'irrationnelle innocence qui caractérise les faiseurs d'histoires ?



Peut-être le moulage de son intérieur sublimé par Julia Lohmann.







Le voilà, l'énorme coup de coeur de l'expo : le travail de la designeuse-sorcière qui fait des merveilles avec (ou ici sans) les tripes des abattoirs. Qu'est-ce que cet objet ? Sous les lunes d'Ann Craven, on dirait une éclipse, et en fait il y a un peu de ça... Pour voir comment l'étrange tabouret a été réalisé, je vous invite à aller visiter le site de la demoiselle ; n'hésitez surtout pas à satisfaire la curiosité que Lasting void éveillera peut-être car les Rituels servent aussi à produire des objets, et celui-ci en est incontestablement le fruit. 

 



Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, sur le tapis de plumes d'Alexandre Joly dispersant les bruits d'une forêt nocturne - lui aussi sous les lunes -, les Grands Capricornes d'Alex Pou, et les dessins de Vidya Gastaldon, la dent-coquillage de Laurent le Deunff...





 Ou enfin les travaux de la dernières salle : Les totems et masques de Théo Mercier, et puis les Constellations du cerf et de la biche.

 

Mais comme il est tard, je vais aller me coucher.
Parce que les rêves, c'est pas mal non plus. Bonne visite (avant le 9 juillet), bonne nuit.