Cet hôtel particulier, autrefois « Ambassade du Vatican » à Bruxelles, face à l’église Notre-Dame du Sablon, retrouve une nouvelle identité pour devenir l’ « Ambassade des Arts ».
Anne Derasse, propriétaire des lieux, architecte d’intérieur et historienne de l’art, l’a restauré pendant de longues années avec persévérance et sensibilité. Cette existence nouvelle donnée à l’architecture, Anne la renforce grâce à la vision artistique de son compagnon, l’artiste Jörg Bräuer et ensemble, ils redonnent vie à ce lieu emblématique en y instaurant in situ des expositions choisies, pour devenir une halte appréciée de la scène de l’art.
Cette année, grâce à leur belle et enrichissante rencontre avec Frédérick Mouraux, fondateur de la galerie éponyme, et son épouse Flavie Durand-Ruel, historienne de l’art, garante des archives de son ancêtre, le célèbre marchand des impressionnistes Paul Durand-Ruel, l’idée d’une exposition hors-les-murs lors de « Art Brussels » prend forme à l’Ancienne Nonciature. L’espace Rivoli, situé à Uccle et siège de la galerie de Frédérick Mouraux, viendra investir le Sablon pour renforcer les forces vives de ces deux quartiers à l’émulation artistique reconnue.
Et de ces échanges, sous l’œil avisé de la curatrice de l’exposition Flavie Durand-Ruel, naîtra une invitation à de nouvelles découvertes en contrastes, entre l’histoire des lieux et la contemporanéité des œuvres choisies.
Cavalier de l’Apocalypse (Baleine franche), crayon sur papier, 21 x 29,7 cm, 2023
Au milieu du XIXè siècle le Cardinal Pecci, futur pape Léon XIII, fut en ces lieux nonce apostolique, ce qui fit vivre à la demeure une époque faste lorsqu’elle était l’Ambassade du Vatican à Bruxelles. Vers 1860, la famille De Mot s’y installe ; le père, banquier et fondateur des Galeries Royales Saint-Hubert, lèguera la maison à son fils Emile, avocat, député, sénateur et bourgmestre de Bruxelles, qui y demeura sa vie durant. Avant de devenir cet élégant hôtel particulier, manifeste du style néo-classique, elle connut d’autres belles heures. Les caves voutées du XVIè siècle nous laissent encore deviner la prestance de l’ancien palais Renaissance qui appartenait à un haut dignitaire de Charles-Quint.
Après avoir appartenu plus d’un siècle à la famille De Mot, le bien est vendu dans les années 1980 et périclite, les espaces sont morcelés, devenant illisibles.
Lorsque Anne Derasse s’attèle à la restauration de cet hôtel particulier, il est en piteux état. Mais l’esprit des lieux y distille toujours sa présence ; cette émotion première que divulgue une maison, par-delà les outrages du temps, Anne y est particulièrement sensible et cherche à la préserver dans tous ses projets : la memoria loci doit subsister, transparaître et renaître.
Après recherches historiques et intuitions vérifiées, les espaces initiaux sont réhabilités, les perspectives entre salons restituées, l’escalier d’honneur remis en valeur, la scénographie de la galerie, libérée d’un mur qui la fermait, est retrouvée. L’ancienne chapelle du cardinal Pecci, dont il ne restait que peu de fragments décoratifs, est réincarnée au sens architectural du terme. Dans chaque pièce les artisans déploient leur dextérité dans les règles de l’art, tantôt liée aux moulures, aux parquets, aux quincailleries, sublimée par les fils torsadés des passementeries, des étoffes d’illustres manufactures, des lustres XVIIIè liégeois.
Au fil des expositions, à la rencontre des siècles, les savoir-faire répondent aux œuvres des artistes actuels ; une alchimie s’est créée. Certes, la foi a changé de registre, mais elle est toujours prégnante ; elle rejoint la quête d’un absolu sublimé par l’art.
Pour en savoir plus :
Frédérick Mouraux Gallery / Ancienne Nonciature, Printemps 2024
La Libre / L’Ancienne Nonciature : l’art contemporain lui va si bien