« Envols », Bibliothèque Sciences Po Lille, Été / Automne 2019

Si le Quetzal resplendissant de Julien Salaud illumine actuellement la façade de la Voix du Nord, les oiseaux viendront nidifier sous sa main dans l’entrée de la bibliothèque, ouverte à toutes et tous. Pour les vitrines du vestibule, il a dessiné 8 œuvres sur mesure. Des envols d’oiseaux, de serpents à plumes et autres créatures, qui résonnent avec notre rapport à la nature et au vivant. Un regard sur nos passés et nos futurs, en noir et blanc.

L’Oracle du Chaman

Au XIXème siècle, Lille embrasse la modernité et s’étoffe d’un nouveau quartier de style Haussmannien. Les institutions d’enseignement se croisent et fusionnent. D’un trait de plumes on élève le bâti et l’on fait circuler la connaissance : les belles lettres ici, la botanique là, et leurs sciences naturellement. Les naturalistes fleurissent. Les lianes de l’art nouveau s’affichent en façade à deux pas. Les énergies fusionnent comme la lave dessinée et émaillée qui orne ces puits de savoirs fraichement édifiés.

Au centre le pistil : la Bibliothèque Universitaire. Dessinée par Alfred Mongy l’architecture concentrique est un  gynécée qui magnétise l’urbanité vouée aux savoirs. On y entre, par son vestibule. Cette petite amabilité d’architecture à usage social ou météorologique est flanquée de huit encadrements de bois. Julien Salaud en est le  premier invité. 

Cette nouvelle bibliothèque arbore ainsi une entrée rayonnante, et tout aussi instructive que l’escalier du Musée des Sciences naturelles tout proche. Les dessins de Julien Salaud sont déployés comme le sont les Cycas ou tout autre plumage du règne animal avec ordonnancement. Depuis ses plus jeunes années, par le dessin –notamment – il se borne à afficher que notre nature est tout aussi construite que fragile. Illustrateur animalier, il fait ses premiers pas d’aquarelliste en Guyane Française. La forêt y est pluviale, ces lavis détrempés et c’est un Toucan Toco qui apparaîtra sur ses premiers cartons – un classique du le guide qu’il doit illustrer. Pour ce jeune volontaire, la commande est aisée. Il a acquis bon nombre de souvenirs entomologiques en famille au sein de la canopée. 

Assiette à écailles chinées, engobes sur faïence, 2020

Enfant, durant ses vacances, Julien Salaud affûte son regard comme les mandibules des Dynastidae. Les nuits de chasse sont aussi bruyantes que le silence de son père doit l’être pour transmettre une observation fine. Aquarelles, gravures, feutres, plumes, strass en pagaille à hue et à dia  l’artiste tisse des œuvres tout aussi fines et précises qu’Audubon. Mais lui ne tue pas, il ne singe pas. Il saisit le vivant comme Buffon a saisi pour le Roi, les ramages et les plumages du phénix de ses bois. Il pare d’yeux et de plumes des terres toutes aussi cuites qu’émaillées. À son tour, il transmet dans des ateliers ouverts son savoir et ses yeux, sur cette nature qui nous observe, en silence, tapie dans l’ombre des forêts que l’homme carbonise. A notre tour, pétrifié, nous attendons dans ce vestibule la drache. Julien Salaud annonce avec clairvoyance l’oracle devenant ainsi à son corps défendant l’un de nos plus beaux chamans.

Texte de Mathias Courtet

De gauche à droite : Envol de moineaux, 130 x 95 cm / Papa, 155 x 75 cm / Chant à plumes, 130 x 95 cm / encre et gouache sur papiers, 2021

Milles mercis à Coline Blanpain et Mathias Courtet pour cette belle expérience !

Pour en savoir plus :

Sciences Po Lille / La bibliothèque de Sciences Po Lille invite Julien Salaud pour une exposition de dessins et céramiques.

https://www.sciencespo-lille.eu/exposition-julien-salaud
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