La vie est souvent hasard : en effet, si on aime les vanités, surtout contemporaines, si on aime les collectionner (en images) fait que de fil en aiguille, on tombe sur une œuvre de Julien Salaud. Et c’est ainsi qu’on rencontre les animaux empaillés de l’artiste. Ils parlent du temps qui passe, de la mort qui va et vient. Julien à l’œuvre, collant plumes et perles sur des têtes d’animaux « taxidermés », fascine : son regard bleu est aussi perçant que celui des fameux animaux sur lesquels il travaille. Son œuvre est précieuse comme un bijou.
Vues de l’exposition, photographies Olivier Toggwiler, 2015
A peine éclos, cerfs, oiseaux, renards… par essence nés proies, courent à leur perte. La vie transitoire est voilée sous les fils tissés autour des œuvres, fil d’Ariane, fil de l’araignée, fil de « Maman » (on pense à Louise Bourgeois, à la naissance, à l’accouchement, à la délivrance). Les installations participent de la construction, de l’idée de permanence tout en dénonçant la fragilité de la vie.
Difficile aussi de ne pas penser aux installations de Shiaru Chiota et ses cordelettes noires ou rouges, qui évoquent aussi bien les camps nazis que Hiroshima et Nagasaki ; ces artistes peuvent se revendiquer de Boltanski, Messager ou encore Jan Fabre. Guerre, mémoire, souvenirs.
Où est-on, sinon dans le labyrinthe du temps, dans un fil qui s’apparente à un petit pan de mur jaune ou une mélodie de Vinteuil, à des souvenirs déchirants qui renvoient à la guerre ou la disparition. L’étrangeté, la fragilité participent de l’éphémère tout en appelant la force, la résistance, face à l’opposant, le terroriste.
De gauche à droite et de haut en bas : Tête à queue, taxidermie et plumes de faisan de Colchide, 75 x 120 x 45 cm, 2015 / Guerrier traversière (chevrette au crâne), taxidermie de chevrette, plumes de faisanes de Colchide, crâne de corneille, colle
50 x 90 x 50 cm, 2015. Photographie O. Toggwiler / Faiseur, taxidermie de faisan, os de renard, colle , 50 x 70 x 18 cm, 2015 / Constellation du combat (cerfs), taxidermie de cerfs, toile d’araignée synthétique, dimensions variables, 2015. Photographie O. toggwiler
Julien est un amoureux de la nature, il ne prémédite pas son « message. » Il a abandonné des études scientifiques pour l’art ; mais ses années de science ne l’empêchent pas de donner à voir le sacré dans ses installations, dans un panthéisme certain, où, dixit Spinoza, rien ne peut exister ni être conçu en dehors de Dieu.
Qu’il ne soit pas à la Fiac cette année nous met face à la cécité des dirigeants, et renvoie aussi au Salon des Refusés.
Texte d’Anne-Sophie Bruttmann pour Toute la culture
Pour en savoir plus :
Toute la culture : https://toutelaculture.com/arts/galerie-arts/les-metamorphoses-de-julien-salaud
Galerie Suzanne Tarasiève : https://www.suzanne-tarasieve.com/exhibition/3835